Profs : qui va payer votre dette de sommeil ?

Eric Berbudeau, Journaliste MAIF Mag

7 min


MAJ janvier 2025

Tous les enseignants, de la maternelle à la fac, ont besoin d’un sommeil réparateur. Celui qui efface votre fatigue et recharge vos batteries physiologiques. Bien dormir, c’est la base pour être un prof heureux…

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En guise de prologue

« J’ai un souvenir très précis du premier cours. Je crois que j’ai perdu 10 kg en deux heures ! J’avais préparé, mais pas comme il fallait. C’était horrible et super en même temps. Je suis arrivée en me disant qu’il ne fallait pas avoir le visage trop sympa, c’est mon premier cours, il faut que je me fasse respecter… Et au bout de deux secondes, j’ai souri ! J’allais les voir, ils allaient me voir. J’ai meublé de mots pendant deux heures et j’ai terminé rouge écarlate. »

Ce témoignage est extrait de « Faire classe », l’un des quatre épisodes de LSD, La Série Documentaire que France Culture vient de consacrer aux enseignants. Il illustre admirablement l’intensité de ce que peuvent vivre les profs, au cours de leur carrière et la fatigue qu’ils peuvent ressentir en fin de journée. Seul un sommeil réparateur peut alors effacer cette fatigue accumulée. Un sommeil de qualité, une nuit apaisante. Cet idéal mérite un dossier rien que pour vous, le voici !

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Troubles du sommeil : pourquoi les enseignants ?

En France, une personne sur cinq est concernée par un trouble chronique du sommeil (source INSERM). Selon l’Institut national du sommeil et de la vigilance, 42 % des Français déclarent souffrir d’un trouble du sommeil. Les enseignants sont particulièrement exposés à ces problèmes pour plusieurs raisons, qui affectent particulièrement les nouveaux venus dans ce métier.

Les horaires de travail irréguliers

Les enseignants ont généralement des horaires de travail fixes, mais ils sont aussi contraints de travailler en dehors de ces heures pour préparer les cours, corriger les devoirs et assister à des réunions. Ces horaires prolongés, souvent en soirée, peuvent interférer avec leur rythme circadien et limiter le temps de sommeil.

Par ailleurs, les enseignants doivent se lever tôt pour être prêts avant le début des cours, ce qui, combiné à des soirées de préparation ou de correction de travaux, peut entraîner des nuits de sommeil trop courtes.

Le stress professionnel et la charge mentale

Le métier d'enseignant est associé à une pression élevée. La gestion de la classe, la préparation des leçons, les exigences administratives, et parfois des interactions difficiles avec les élèves ou les parents, peuvent générer un stress important.

Les exigences émotionnelles du métier

Le travail des enseignants est également émotionnellement exigeant. Les interactions avec les élèves, qui peuvent être à la fois gratifiantes et stressantes, la gestion de comportements parfois perturbateurs, et la nécessité de maintenir un environnement de classe positif et productif peuvent affecter la capacité des enseignants à "décompresser" après une journée de travail.

Crédit : Photo Djavan Rodriguez/GettyImages

Les jeunes enseignants sont souvent exposés à des “emplois du temps à trous”, de longues heures de préparation de cours, des temps de trajet incompressibles qui vont sérieusement impacter leur temps de sommeil en début de carrière.

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Qui veut améliorer le sommeil des enseignants ?

Les problèmes de somnolence des élèves et leur déficit croissant de sommeil alimentent souvent l’actualité et des programmes spécifiques ont été mis en place pour eux (lire notre dossier).

En revanche, le sommeil des enseignants est moins souvent traité. Sur le Web, nous avons toutefois trouvé un site canadien qui pose une question conjointe : « Comment les enseignants et les élèves peuvent-ils s'épanouir en adoptant des habitudes de sommeil plus saines ? ».

On ne peut demander aux professeurs de s’engager dans des programmes d’éducation au sommeil sans s’intéresser un peu à la qualité de leur propre repos nocturne. On se rend alors compte que ce serait très artificiel d’isoler leurs troubles du sommeil des contextes qui peuvent les provoquer. Le stress par exemple.

Avec une conclusion évidente : tout ce qui peut vous aider à gérer votre stress (formation en gestion de classe, soutien psychologique, etc.) peut aussi améliorer la qualité de votre sommeil.

  • Des formations à la gestion du temps, notamment pour les jeunes enseignants, peuvent aussi les aider à mieux organiser leurs tâches,
  • Réduire les heures supplémentaires et donc libérer plus de temps pour leur sommeil.
  • Et très globalement, tout ce qui contribuera à instaurer des environnements de travail plus sereins et soutenants sera évidemment bénéfique pour votre sommeil…

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Pas le moral ? Des nuits trop courtes ? Besoin de conseils pour gérer une classe difficile ou remotiver un élève ? Assureur n°1 des enseignants, nous mettons à votre disposition des solutions gratuites pour obtenir de l’aide dans les moments difficiles.

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Vers un droit au sommeil réparateur ?

Mais tout cela ressemble à un vœu pieux et la réalité offre plutôt des situations diverses et contrastées. « Le droit de la santé au travail dans la fonction publique n’existe pas aujourd’hui, souligne Laurence Bergugnat dans cette interview. Il est encore à construire. Le droit est vecteur de justice sociale. Il permet de protéger sa santé et celle des autres dans le champ du travail, chacune et chacun dans l’exercice de ses responsabilités. » Professeure en sciences de l’éducation et de la formation à l’université de Bordeaux, elle avait consacré sa thèse en 2004 au stress des enseignants. Et vingt ans après, elle espère une approche « écologique » de ce problème : « C’est par une approche globale […] de l’environnement du travail que les collectifs de professionnels dans les établissements scolaires peuvent œuvrer à la réduction du stress et à la protection de leur santé mentale et physique. »

Cette vision holistique est loin d’être présente dans tous les esprits. « La prévention du manque de sommeil est une priorité du ministère de l’Éducation nationale », indique cette présentation du programme « Dormir plus et mieux » qui malheureusement ne concerne pas le personnel… Mieux vaut pourtant agir avant l’apparition des troubles du sommeil. Par un effet miroir, est-ce qu’on ne pourrait aussi être attentionné au sommeil des équipes éducatives ? Par exemple en encourageant les enseignants à pratiquer des techniques de relaxation (méditation, yoga, etc.) qui peuvent les aider à réduire leur stress et favoriser un meilleur sommeil ?

Crédit : Maria Korneeva/GettyImages

Des nuits trop courtes conduisent à un épuisement chronique. Avant l’installation des troubles du sommeil, quelques règles d’hygiène de vie peuvent permettre de retrouver un sommeil réparateur.

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Trois conseils pour bien dormir

Quand le déficit de sommeil est chronique, seul un accompagnement médical pourra vous aider. Les problèmes d’insomnie sévère ou le syndrome des apnées du sommeil bénéficient désormais de centres spécialisés. Quant à l’usage de la mélatonine, très à la mode, rappelons cette mise en garde de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation.

Les conseils qui suivent ne visent donc qu’à rappeler trois techniques éprouvées pour améliorer la qualité de votre sommeil.

Maintenir une routine de sommeil régulière

  • Pourquoi ? Votre corps fonctionne selon un rythme circadien, une horloge biologique interne. Respecter des heures régulières de coucher et de lever favorise l'endormissement et un sommeil réparateur.
  • Comment ? Couchez-vous et levez-vous à la même heure chaque jour, même le week-end. Créez une routine apaisante avant de dormir (lire, méditer, prendre une douche chaude).

Optimiser l'environnement de sommeil

  • Pourquoi ? Un environnement calme, sombre et confortable favorise un sommeil profond.
  • Comment ? Réduisez le bruit (utilisez des bouchons d'oreilles ou une machine à bruit blanc si nécessaire). Assurez-vous que la pièce est sombre (rideaux occultants ou masque pour les yeux). Maintenez une température agréable (idéalement entre 16 et 20 °C).

Limiter les stimulants et les écrans avant le coucher

  • Pourquoi ? La lumière bleue des écrans et certains aliments ou boissons perturbent la production de mélatonine, l'hormone du sommeil.
  • Comment ? Évitez les écrans au moins une heure avant de dormir ou utilisez des filtres anti-lumière bleue. Réduisez la consommation de caféine et d'alcool dans les heures qui précèdent le coucher. Préférez des activités relaxantes comme le yoga ou la lecture.

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Prendre conscience de l’importance du sommeil

Ce n’est pas avec des nuits bien trop courtes que vous serez en mesure d’être le (ou la) super-prof qui est votre idéal. C’est important d’avoir toutes les informations sur le sommeil. Bien dormir, c’est vital. Pour vous comme pour vos élèves.

Dans l’épisode « Faire classe » évoqué en début d’article, il y a d’ailleurs un témoignage très fort d’une enseignante : « J’ai eu une élève formidable qui dormait sur sa table et pourtant elle était très assidue. Je l’ai interrogée et elle m’a dit qu’elle dormait dans des fauteuils. C'était une petite allophone, elle ne parlait pas encore bien français. J’ai fini par aller chez elle et j'ai vu qu’elle dormait sur des bancs en bois, elle et ses deux petites sœurs. Ce n’était pas possible. Avec un collègue, on a acheté trois lits sur Leboncoin. Être prof, c’est ça aussi. (…) Ce n’est pas du tout pour faire du misérabilisme. La réalité, c'est celle-là et l'enfant, on le prend comme il est. On ne va pas commencer à vouloir faire rentrer des ronds dans des carrés avec ces enfants-là. D'abord, il faut qu'ils mangent. D'abord, il faut qu'ils n’aient pas froid. D'abord, il faut qu'ils dorment… »

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