Comment (re)donner le goût des maths  ?

À tout âge, il est possible d’apprendre. La plasticité cérébrale ne s’arrête jamais, c’est une certitude scientifique. Si vous butez en maths, c’est peut-être que vous n’avez pas rencontré le pédagogue qu’il vous fallait. C’est le moment de fouiller Internet et notamment les réseaux sociaux comme Youtube, qui fourmillent de ressources en ligne.  Leur grand intérêt, c’est que chacun y trouver la pédagogie qui lui correspond. Il faut trouver chaussure à son pied. Nous avons tous un cerveau différent, il faut tester plusieurs méthodes d’apprentissage jusqu’à tomber sur la bonne , témoigne Iman Hedayati Dezfouli, créateur de la chaîne Hedacademy.  L’avantage des vidéos, c’est qu’on peut mettre sur pause et revenir en arrière jusqu’à ce que l’on ait intégré la leçon. Un peu comme avec un tuto de bricolage ! » complète Yvan Monka, professeur de mathématiques en lycée, dont la vidéo « Résoudre une équation niveau 4e  cumule 2,1 millions de vues.

Fabriquer vos propres cours

Sylvain Bignon, enseignant à Angers, met en garde les jeunes enseignants qui, par facilité, se saisissent de cours de maths  tout faits ». « Il y en a partout sur internet. Ils sont très bien en tant que source d’inspiration, mais il faut se les approprier. On ne peut pas transmettre le cours d’un autre, c’est impossible. Il faut le travailler, le reformuler jusqu’à ce que le résultat nous convienne.

 La bosse des maths, tu l’as ou tu ne l’as pas. 

Faux. Personne ne naît  doué en maths . Filles et garçons naissent libres et égaux face aux mathématiques ! En revanche, les aptitudes dans cette discipline se travaillent dès le plus jeune âge.  En tant que parent, il faut apprendre à stimuler son bébé à la manipulation de formes, de volumes… Plus un enfant est sollicité, plus il aura de capacités à raisonner en autonomie. C’est la base pour un bon apprentissage des mathématiques , explique Estelle Korla, professeure certifiée en mathématiques au collège Louis Armand de Nancy.  Il ne s’agit pas simplement faire des calculs au tableau ou des exercices du manuel. Jouer à un jeu de société, c’est aussi faire des maths . Sudoku, rami, Mille bornes, Monopoly, 2048 ou Black Jack, les possibilités sont nombreuses !
Très tendance ces dernières années, les escape games sont aussi de bons moyens de faire travailler ses méninges en famille, entre amis… ou entre professeurs et élèves ! Ces jeux d’énigmes grandeur nature développent la mémoire, le sens de l’observation, l’attention, la créativité et, bien sûr, la capacité à résoudre des problèmes. Des compétences précieuses pour l’apprentissage et la maîtrise des mathématiques !

 Les maths, c’est de la torture. 

Pour donner le goût des maths aux élèves, il faut d’abord se le donner à soi. Or, rien n’exige d’étudier dans la souffrance. La pratique des mathématiques peut être vue comme un jeu d’énigmes. Hugo Duminil-Copin, reçu sur France Inter pour sa médaille Fields 2022, estimait ainsi que  le problème des maths à l’école, c’est que l’on nous oblige à apprendre des choses pour avoir une note à la fin, sans notion de plaisir. Si l’enseignement du français se limitait aux cours de grammaire, sans jamais lire un livre, il y aurait beaucoup moins de monde qui aimerait cela.  Yvan Monka propose l’évaluation positive en guise de solution.  Je répartis mon barème entre le raisonnement suivi par l’élève et le résultat final. Si le raisonnement est bon, l’élève obtient des points. Même si son résultat est faux .

 Les maths ne servent à rien si on ne veut pas faire d’études scientifiques. 

Ce n’est pas du tout l’avis de notre médaillé Fields 2022 ! « Les maths, c’est une école de la pensée qui permet d’organiser son esprit. Avec la quantité d’informations que l’on reçoit chaque jour, elles sont d’autant plus nécessaires ! Quand le niveau en maths baisse, c’est toute la capacité des jeunes à organiser et à construire leur pensée qui est menacée. 

 Les maths, c’est trop formel. 

Certes. C’est même ce formalisme qui permet aux mathématiciens de tous les pays de se comprendre et d’échanger leurs travaux. Iman Hedayati Dezfouli émet pourtant l’hypothèse que la clé, face aux élèves, c’est parfois d’être moins formel.  Quand j’étais en seconde, malgré les efforts de l’enseignante, nous ne comprenions pas le sens du mot fonction. Et tout d’un coup, elle s’est énervée. Mais bon sang, ce n’est pas compliqué !  Une fonction, c’est un truc, on lui donne un nombre, il ressort un autre nombre. Ça a été le déclic, en un instant, j’avais compris. Le mot truc n’existe pourtant pas en maths. Pour moi, c’est cela la beauté de la pédagogie. Dans un repère orthogonal, je dis souvent  l’axe des abscisses, c’est l’axe allongé .  C’est un élève qui a trouvé cette expression mnémotechnique et je l’ai conservée car elle fonctionne. 

C’est le point sur lequel tout le monde s’accorde. Pour réussir en maths, il faut travailler. En classe, à la maison, dans les livres, sur internet...  Il y a une grande différence entre comprendre un exercice et être capable de le refaire en autonomie  estime Iman Hedayati Dezfouli.  La clé, c’est l’entraînement. Quelle que soit la discipline et dans tous les domaines, tous ceux qui réussissent ont travaillé.   Je n’ai pas le temps  nous direz-vous. Tout le monde dispose pourtant de 24 heures chaque jour. Pour trouver le goût des maths, observez votre emploi du temps à la loupe. Vous trouverez certainement des heures mal occupées, que vous pourrez consacrer à votre nouvelle passion. Si l’on se réfère aux durées courantes d’entraînement, toutes disciplines confondues, il semble qu’une pratique minimum de 20 minutes par jour suffise à produire des effets positifs. Au-delà, c’est encore mieux : que diriez-vous de 40 minutes par jour ? Ou plus si affinités : tant que vous y trouvez du plaisir, aucune raison de s’arrêter. Si vous vous sentez perdu, c’est que vous avez sauté des étapes ou qu’il vous manque des notions. Reprenez depuis le début, comblez les trous ! Votre cerveau apprenant a besoin de répétition et de nouveauté : c’est une trouvaille du neurologue Manfred Spitzer. Pour progresser en maths, variez les exercices et répétez ceux que vous avez déjà vus !

Les enfants, a fortiori les adolescents, passent une grande partie de leur temps devant les écrans. Leur plus grande passion ? Les réseaux sociaux, YouTube et TikTok en tête.  C’est devenu leur cour de récréation , constate Yvan Monka, qui compte aujourd’hui plus de 2 millions d’abonnés de tous âges. Lorsque qu’il a créé sa chaîne, il était seul ou presque. Aujourd’hui, les enseignants en mathématiques sont nombreux à s’essayer aux réseaux sociaux pour apprivoiser leurs élèves : trigonométrie avec Arieka ou rap de Pythagore avec Issaba. Estelle Korla, alias Wonderwomath, tente de dédramatiser l’image de sa matière à grand renfort de vidéos TikTok. À l’approche du brevet, la professeure de collège proposait des petits quiz pour aider ses followers à contrôler leurs connaissances avant l’examen.  Mon but, c’est de faire entrer les maths dans leur quotidien, que ça devienne quelque chose de naturel et non d’effrayant. Et puis montrer qu’on peut être une fille, aimer les matières scientifiques et réussir.  Attention toutefois au temps passé devant les écrans, n’oubliez pas de vous aérer et de faire du sport !

Un forum pour échanger des bonnes pratiques entre professeurs des écoles.

Pour lire des maths

Le livre des nombres - H. Lehning - Éditions Flammarion 2021

Et l’algèbre fut - J. Gavin et A. Schärlig - Éditions EPFL PRESS 2020

Very math trip - M. Houdart - Éditions Flammarion 2019

Le grand roman des maths - M. Launay - Éditions Flammarion 2020.

Mickaël Launay a par ailleurs créé MicMaths, une excellente chaîne YouTube.

Plus d’ouvrages recommandés par Yvan Monka sur maths-et-tiques.fr

Des maths dans les oreilles

Pour découvrir l’enseignement des mathématiques au collège avec une approche kinesthésique : Épisode Les énergies solaires : les maths en mouvement

Pour comprendre les inégalités de genre dans le secondaire dans les matières scientifiques : Podcast La boss des maths | Ausha

Quelques outils numériques pour allier mathématiques et écran en classe

Mathia : créé par deux fils de professeur passionnés d’intelligence artificielle, cette application est mise à disposition des enseignants du CP au CE2. Les 4 000 professeurs déjà conquis la décrivent comme un  exerciseur  qui permet de personnaliser l’enseignement tout en leur offrant plus de temps disponible pour aider les élèves et approfondir les notions. Accessible sur ordinateur et tablette – un à quatre joueurs par écran. Gratuit pour les enseignants avec une adresse .edu.

Les fondamentaux de Canopé :  Des films agités pour bien cogiter . Destinés aux plus petits, les vidéos de notre partenaire Canopé permettent d’aborder les mathématiques sous forme de dessins animés. Une entrée en matière en douceur.

Calcul@tice : ce site d’entraînement au calcul (du CP à la 6e) réalisé par des enseignants de l’académie de Lille est recommandé par Cédric Villani et Charles Torossian.