Freelance, es-tu un salarié déguisé ?

Rachel Pierre, Office manager freelance

9 min


Le travail indépendant vecteur de liberté pour les uns, choix imposé pour les autres, signe d’une révolution du monde du travail en cours, sans aucun doute. Il est aussi très surveillé par nos institutions et finalement assez encadré par la loi. Amédée s’arrête aujourd’hui sur un point de notre législation : le salariat déguisé.

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Qu’est-ce que le salariat déguisé ?

Définition

Pour comprendre ce qu’est le salariat déguisé, arrêtons-nous dans un premier temps sur la définition de salariat : “Le contrat de travail existe dès l’instant où une personne (le salarié) s’engage à travailler, moyennant rémunération, pour le compte et sous la direction d’une autre personne (l’employeur).

Et c’est là que l’on comprend que pour bon nombre de freelances, la limite est mince entre travail indépendant et salariat.

En tant que freelance :

  • vous travaillez rarement pour la gloire donc vous attendez une rémunération pour votre travail,
  • vous travaillez pour le compte d’autres personnes, vos clients,
  • reste donc la dernière règle : “sous la direction d’une autre personne” pour déterminer si la relation avec votre client est en réalité du salariat déguisé.

Attention, légalement une situation de salariat ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donné à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité.

Quelles administrations s’intéressent au salariat déguisé ?

L’inspection du travail qui veille au respect du droit du travail et à l’application des conventions issues du dialogue social et assure des conditions de travail et d’emploi favorables. Dans ce cadre, elle veille à ce qu’un travailleur indépendant qui serait en situation de salariat déguisé accède aux mêmes droits qu’un salarié.

L’URSSAF qui a pour objectif de collecter les cotisations et contributions sociales des entreprises dans le but d’assurer la gestion de la trésorerie de la Sécurité Sociale va, quant à elle, représenter l’Etat. Une entreprise qui fait appel à des travailleurs indépendants pour éviter d’avoir des salariés s’exonère non seulement du respect du code du travail envers eux mais également des cotisations qu’elle aurait versées à l’URSSAF dans le cadre d’une relation salariale.

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Alors travail indépendant ou salariat déguisé, comment savoir ?

Comment prouver une relation de salariat déguisé ?

Nous l’avons dit plus haut, il faut apporter la preuve d’une subordination entre le client et le travailleur indépendant. Pour cela, l’administration étudie chaque cas en s’appuyant sur plusieurs critères :

  • Absence d’un contrat de prestation de service,
  • Absence d’un cahier des charges précis,
  • Absence de facturation à la journée ou au livrable,
  • Présence d’un lien hiérarchique entre le client et le travailleur indépendant,
  • Présence d’horaires de travail,
  • Obligation de travailler dans les locaux du client,
  • Obligation de travailler exclusivement pour le client,
  • Facturation au mois

Chacun de ces critères pris isolément ne prouve pas une situation de salariat déguisé mais il n’est pas non plus nécessaire de tous les cocher pour que la situation soit prouvée.

Voici quelques exemples caractérisés de salariat déguisé :

  • Votre client vous oblige à travailler dans ses locaux et/ou avec son équipement,
  • Votre client contrôle l’exécution de votre travail et vous fixe des directives ou vous impose des sanctions,
  • Votre client vous impose des horaires ou vos jours de congés,
  • Votre client représente la grande majorité de votre chiffre d'affaires voire la totalité de celui-ci (dépendance économique)

En quoi est-ce mauvais pour moi d’être dans cette situation ?

Vous vous retrouvez avec les mauvais côtés des deux statuts sans en avoir les bénéfices : vous perdez votre liberté et votre autonomie : vous ne fixez pas vos tarifs, vous ne choisissez pas vos conditions de travail, vous ne maitrisez pas l’exécution de votre travail mais n’avez pas la protection sociale du salariat : pas de revenu régulier, pas de mutuelle, pas de retraite, pas de chômage, pas de congé payé mais aussi difficulté à obtenir un crédit, à se loger, etc.

En cas de dépendance économique, le risque est encore plus gros : si votre client met fin à votre relation et comme vous êtes travailleur indépendant il peut le faire sans préavis, vous pouvez vous retrouver sans revenu du jour au lendemain, ce qui peut rapidement vous entraînez dans la précarité.

Bref, vous n’avez aucun intérêt à rester dans ce type de relation.

Et comme toujours il vaut mieux prévenir que guérir : dès le début cadrez vos relations avec vos clients dans un contrat de prestations de service où vous rappelez vos droits sur les modalités d’exécution de la mission.

Comment sont lancées les procédures ?

Plusieurs procédures peuvent mener à une enquête et à une requalification de la relation de travail en salariat.

  • 1er cas : le travailleur indépendant lui-même saisit les prud’hommes pour faire respecter ses droits. C’est l’exemple des coursiers à vélo qui étaient clairement dans une situation de salariat déguisé dans leur relation avec les plateformes.
  • 2e cas : lors d’un contrôle de l’inspection du travail, l’inspecteur peut détecter des situations tendancieuses et mener son enquête.
  • 3e cas : lors d’un contrôle URSSAF, le contrôleur peut, de même, lancer une enquête.

Pour rappel, dans les 2e et 3e cas, l’administration peut requalifier votre relation de travail en contrat salarié même si vous, freelance, êtes satisfait de celle-ci en l’état.

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Et après, quels sont les risques ?

Quels risques pour mon client ?

Vous l’aurez compris, une relation de salariat déguisé est bien plus à l’avantage du client que du travailleur indépendant. En toute logique c’est donc lui qui risque le plus gros lorsque celle-ci est déclarée, il devra :

  • vous verser les salaires et indemnités (congés, heures supplémentaires, primes, etc.) correspondant à un poste équivalent sur toute la période de la relation,
  • vous verser des indemnités de licenciement et des dommages et intérêts en cas de rupture du contrat, verser toutes les cotisations sociales dues sur la période de la relation à l’administration,
  • il peut pénalement être condamné pour travail dissimulé et risque alors jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende (le double en cas de récidive).

Quels risques pour moi ?

L’administration peut vous réclamer le remboursement des éventuelles prestations sociales et des allocations chômage que vous avez pu percevoir pendant la période et requalifiera de fait votre prestation en contrat de travail.

Côté MAIF

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