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Votre petit mémo sur la mémoire
Éric Berbudeau, journaliste MAIF Mag
9 min
MAJ novembre 2024
La mémorisation est au cœur de nos apprentissages. Pourtant, la mémoire des élèves est parfois un jardin laissé en jachère. Cet article vous livre l’essentiel pour aider vos élèves à faire bon usage de leur mémoire.
« Cette année, je connais une inflation d'élèves qui ont de prétendus problèmes de mémorisation. Chaque fois que je demande d'apprendre quelque chose (une récitation ou des conjugaisons), j'ai droit à des parents ou des élèves eux-mêmes qui me disent qu'ils ne pourront apprendre que très difficilement, voire pas du tout, en raison de problèmes de mémorisation. J'avoue être très dubitative à ce sujet et me demande s'il ne s'agit pas d'une stratégie d'évitement. »
Ce commentaire, trouvé sur le forum Néoprofs, illustre bien l’importance des processus de mémorisation dans n’importe quel enseignement, mais aussi dans tous les instants de la vie courante.
Dans cet article, nous n’aborderons pas les troubles médicaux de la mémoire qui sont évidemment une réalité physiologique handicapante.
Nous nous concentrerons uniquement sur ces difficultés que n’importe lequel d’entre nous, élèves comme enseignants, peut rencontrer pour mémoriser des connaissances ou aptitudes reproductibles. Des difficultés qui peuvent être particulièrement présentes face à un savoir imposé !
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Pourquoi mémoriser ? Une barrière à surmonter
À quoi bon retenir quelque chose d’inutile ou de désagréable ?
Il est redoutable cet obstacle. Il explique probablement une bonne partie des stratégies d’évitement, plus ou moins conscientes, qui peuvent se mettre en place. Si l’entourage affectif d’un élève l’a persuadé qu’apprendre un long poème de Victor Hugo ne sert à rien, tous vos efforts pour l’aider à apprendre ce texte risquent d’être vains. Une situation bien connue. C’est improbable de devenir un « bon élève » contre son gré, il faut réduire au minimum les résistances.
Pourquoi apprendre à mémoriser ?
Heureusement, la question du « pourquoi » est omniprésente dans l’enseignement. Les professeurs ne cessent d’y répondre. Dès l’apprentissage de la numération, un enfant est encouragé à visualiser les avantages qu’il y a à compter des pommes ou des bonbons. Ne serait-ce que pour les partager équitablement !
Au fil des années, grâce à ses enseignants, il découvrira :
- les domaines d’application des sciences,
- l’intérêt d’apprendre des langues étrangères (les correspondants, les voyages, etc.) ou
- le plaisir d’utiliser le mot juste découvert dans la littérature…
C’est toujours plus simple de mémoriser quand on est convaincu que c’est utile.
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Le cerveau est comme une chambre d’adolescent
Comment sont rangés nos souvenirs et informations dans notre cerveau ?
On a longtemps eu de la mémoire la vision d’une bibliothèque, avec des ouvrages parfaitement rangés. C’est une image encombrante, car la réalité est bien différente.
Même s’il est loin de nous avoir révélé tous ses mystères, notre cerveau ressemble plus à une chambre d’ado. Est-ce que cette image vous est plus évocatrice d’un fouillis galactique très cohérent, d’une hypercomplexité très personnelle ? Eh bien, avec près de 100 milliards de neurones interconnectés et trois fois plus de cellules gliales qui les entourent, le cerveau offre l’image d’un désordre indescriptible et d’un fonctionnement aussi surprenant que le système de rangement d’un ado. C’est une métaphore bien sûr. L’ouvrage Face à face avec votre cerveau de Stanislas Dehaene vous ramènera à des images bien plus proches de la réalité.
Si nous sommes passés par la chambre d’ado, c’est pour souligner combien le cerveau est complexe, rebelle à l’injonction, et combien cette complexité nous est propre, singulière, individuelle. Les processus de la mémoire sont à la fois bien connus (encodage, stockage, récupération), on sait quelles zones du cerveau sont sollicitées et comment des informations y circulent, mais ce serait faux de croire que tout est sous (notre) contrôle.
Crédit photo : Maria Levkina/Getty Images
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Apprendre à apprendre à tout âge
Qu'est-ce que la plasticité cérébrale ?
À ceux qui pensent avoir des problèmes de mémorisation, il est bon d’expliquer cette notion très moderne de plasticité cérébrale : « La découverte de ce mécanisme par les neuroscientifiques a permis de comprendre une chose essentielle : rien n’est figé dans notre cerveau, explique Alice Latimier, chercheuse en sciences cognitives. La plasticité cérébrale permet de remodeler le cerveau en permanence selon nos apprentissages. Ce remodelage est non seulement relativement rapide mais réversible. »
Hors cas pathologique, tout est donc possible.
C’est ce qui explique les bénéfices de l’entraînement — la mémorisation favorisant la mémorisation — qui incite à agir, sans craindre de mettre les cerveaux des élèves en surchauffe. Bien sûr, la fatigue cognitive est une réalité, des chercheurs l’ont mesurée en pistant des excès de glutamate dans le cerveau, mais elle reste liée à des efforts intellectuels intenses, constants et prolongés, tout le contraire de ce qui est généralement préconisé pour bien mémoriser !
Durant toute leur scolarité, les élèves doivent apprendre à apprendre. Et apprendre à mémoriser. Ne pensez jamais que c’est définitivement acquis pour eux. Même à l’université. Gardez en tête l’exemple de Richard Feynman, prix Nobel de physique et pédagogue charismatique, dont le nom est resté associé à la méthode de la feuille blanche, utile pour repérer des lacunes. Et parler des techniques de mémorisation, ce peut être ludique. Pourquoi pas un Burger de la mort en classe à la fin d’un chapitre ? Ce sera l’occasion d’une séance douce de métacognition, en expliquant à vos élèves que notre mémoire de travail, temporaire, peine à retenir longtemps plus de sept infos… Sans un minimum de technique, on ne peut donc spontanément retenir les réponses à dix questions.
Crédit photo : Adobe Firefly/MAIF
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Comment bien nourrir leur hippocampe ?
Comment travailler la mémoire à l'école ?
Internet regorge de pages sur les techniques de mémorisation et nous ne chercherons pas à dresser ici une liste exhaustive. Nous vous invitons en revanche à en offrir une belle variété à vos élèves. Certains auront en effet besoin de repères sensoriels pour mémoriser, d’autres construiront facilement des associations mentales pour stocker des infos dans des paysages colorés… Chacun son truc, chacun son cerveau. Nous vous invitons donc à suggérer des pistes très variées pour les faire découvrir à vos élèves :
L’apprentissage multimodal
Engager plusieurs sens dans l’apprentissage (visuel, auditif, kinesthésique) améliore la rétention, car cela permet de créer plusieurs chemins d’accès à l’information. Solliciter plusieurs sens dans le processus d’apprentissage — lire à haute voix, écrire, visualiser — peut également renforcer la mémorisation. En activant plus d’un canal sensoriel, on augmente les chances que l’information soit retenue.
Les astuces mémotechniques
« Me vois-tu ? Moi je suis un nuage ! » C’est rigolo et ça permet de retrouver la liste des huit planètes du système solaire, des plus proches (du soleil) aux plus éloignées. Utiliser des moyens mnémotechniques comme ces phrases étranges, des rimes ou des images mentales permet de retenir des informations complexes. Que serait un étudiant en médecine si « petit mammifère à téton » ne permettait de récupérer les quatre phases de la mitose ?
Créer des associations
L’élève va établir des liens entre ce qu’il apprend et des images mentales, des analogies ou des schémas. Par exemple, les techniques de mémorisation comme le Palais de mémoire ou la création d’acronymes peuvent apporter une aide.
La répétition bien espacée
Elle consiste à revoir des informations à des intervalles de plus en plus espacés, ce qui est très efficace pour ancrer les connaissances dans la mémoire à long terme. Il existe des applications comme Anki qui sont utiles pour cela.
Résumer et reformuler
Un élève qui reformule des informations dans ses propres mots, ou résume un chapitre après l’avoir lu, peut mieux comprendre et mémoriser le contenu.
Utiliser des supports visuels
Les schémas, les cartes mentales et les diagrammes sont très utiles, car le cerveau peut retenir plus facilement des informations visuelles que d’autres purement textuelles.
Récupération active
Au lieu de simplement relire des notes, le collégien doit essayer de se rappeler activement des informations sans regarder le contenu. Cela peut se faire à l’aide de quiz ou de fiches. Bien sûr, il est possible d’associer plusieurs techniques : écrire soi-même des flashcards (une fiche avec une question au verso, la réponse au recto) et les utiliser en espaçant progressivement les séances…
Varier les lieux
Étudier dans des environnements différents stimule la mémoire contextuelle. Cela aide à retenir les informations de manière plus flexible, en permettant au cerveau de faire des associations avec l’environnement.
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SOS, mémoire en danger !
La santé cognitive impactée
Pour conclure, n’oublions jamais le concept de santé cognitive. Peu importent les techniques utilisées, elles seront d’un faible secours si le contexte n’est pas favorable. Elles reposent toutes sur un travail de tri préalable, pour ne retenir que l’essentiel, généralement déjà réalisé par les enseignants ou les manuels, qui demande un minimum d’attention, de concentration ou de motivation de la part des apprenants.
Des facteurs externes peuvent affecter ces conditions idéales :
Une mauvaise qualité de sommeil
Le cerveau ne se repose pas la nuit et le sommeil est essentiel pour la consolidation de la mémoire à long terme, particulièrement durant les phases de sommeil paradoxal et profond. Cette question du sommeil est majeure actuellement. Elle inquiète des enseignants confrontés à des élèves qui ont passé une partie de la nuit sur des réseaux sociaux ou des jeux vidéo en ligne.
Une alimentation déséquilibrée
D’un autre côté, dans les formations qui exigent un travail considérable de mémorisation, des étudiants se donnent tous les moyens pour être des « athlètes de la mémoire », recherchant les meilleures techniques, adoptant les meilleures pratiques jusque dans leur assiette. Une alimentation équilibrée, riche en oméga-3, antioxydants et vitamines, est décrite comme contribuant à la santé cérébrale et à la performance cognitive.
Un stress chronique
Bien préparés, ils maîtrisent le stress des examens. Le stress chronique peut altérer la mémoire en affectant les circuits neuronaux de l’hippocampe. À l’inverse, un stress modéré peut parfois améliorer la concentration et la rétention d’informations. Il faut trouver le bon équilibre. Rester concentré sans se couper du monde. Et garder dans sa mémoire une place pour les souvenirs des réussites scolaires à venir.