Intérêt général et utilité publique : quelles différences pour une association ?
SCOP La Navette
9 min
MAJ mai 2024
Mission d'intérêt général et reconnaissance d'utilité publique sont des notions souvent confondues. Explications...
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L’intérêt général républicain
La notion d’intérêt général (ou intérêt public) est au fondement même de la spécificité du droit public français. Elle désigne la finalité des actions et des institutions gérées par une personne publique ou sous son contrôle étroit et qui intéressent l'ensemble de la population (le " bien public ") à tous les échelons des pouvoirs publics (du Parlement au conseil municipal).
L’intérêt général, terme non défini par la loi, dépasse la simple somme des intérêts particuliers. Il est d’abord associé aux missions de service public de l’État, mais les pouvoirs publics reconnaissent, par différents dispositifs, que les associations peuvent aussi mener des activités d’intérêt général. Il en va ainsi des associations dites d'intérêt général et des associations reconnues d’utilité publique.
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Une affaire de fisc
La notion d'intérêt général appliquée aux associations est uniquement appréciée par l'administration fiscale, et ce dans le seul cas où l'association souhaite délivrer des reçus de dons ouvrant droit à réduction fiscale pour les donateurs (articles 200 et 238 bis du Code général des impôts).
Ces articles précisent en effet que le dispositif est ouvert aux " œuvres ou organismes d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à l'égalité entre les femmes et les hommes, la mise en valeur du patrimoine artistique, notamment à travers les souscriptions ouvertes pour financer l'achat d'objets ou d'œuvres d'art destinés à rejoindre les collections d'un musée de France accessibles au public, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises ".
Conditions d’obtention :
- si une activité n'est pas lucrative : l'association doit avoir une activité non lucrative et non concurrentielle (au regard de la règle des " 4 P " : produit, public, prix, publicité). Le principe de base est le non-partage des bénéfices,
- si la gestion est désintéressée : la gestion de l’association ne doit pas apporter d’avantages matériels à ses dirigeants et membres, et les éventuels excédents de recette doivent être réinvestis dans le projet associatif,
- et si aucun avantage n'est procuré à ses membres. Sont notamment exclus les organismes qui fonctionnent au profit d'un cercle restreint de personnes, même s'ils remplissent les deux premières conditions (seraient considérés comme exerçant leur activité au profit d'un cercle restreint de personnes, des organismes qui auraient pour objet par exemple de servir les intérêts d'une ou plusieurs familles, personnes ou entreprises, de faire connaître les œuvres de quelques artistes, ou les travaux de certains chercheurs...).
En savoir plus :
- Bofip (Bulletin officiel des finances publiques) : BOI-IS-CHAMP-10-50-10-20 du 7 juin 2017.
- BOI-IR-RICI du 17 mai 2021
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Procédure de rescrit fiscal
La loi du 1er août 2003, complétée par un décret d'application du 12 juillet 2004 et une instruction fiscale n° 164 du 19 octobre 2004, a institué une procédure de rescrit fiscal, permettant aux associations recevant des dons de s'assurer qu'elles répondent bien aux critères d'intérêt général et qu'elles peuvent délivrer des reçus de dons (cf. l’article L.80 C du livre des procédures fiscales).
À sa demande, l'association recevra et remplira un dossier, qu'elle renverra par lettre recommandée avec accusé de réception à la direction départementale des services fiscaux. L'absence de réponse dans un délai de 6 mois à partir de la réception du dossier vaut approbation de la part des services fiscaux.
Dorénavant, l’administration peut contrôler les montants déclarés des dons reçus mais également le bien-fondé de l’intérêt général de l’association.
Les modalités de contrôle sont définies dans la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République.
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La reconnaissance d’utilité publique
La reconnaissance d'utilité publique pour les associations est une procédure d’accréditation prévue par l'article 10 de la loi 1901 à l'issue d'une période probatoire de 3 ans, pouvant être réduite si les ressources prévisibles de l'association sont de nature à assurer son équilibre financier.
Aucun texte ne définit plus avant les critères de l'utilité publique. Seule la pratique administrative a permis de dégager un faisceau de critères. La reconnaissance d’utilité publique (Rup) est une procédure complexe par laquelle le Premier ministre délivre un " label ", par décret en Conseil d’État et sur rapport du ministère de l’Intérieur. Elle permet à l’association de disposer de la " grande capacité " juridique, c’est-à-dire, outre de recevoir des dons manuels comme toute association loi 1901, de recevoir des libéralités (donations) et des legs.
Pour obtenir ce statut, l’association doit en faire la demande et répondre à des conditions très strictes. Elle doit justifier de :
- une pratique d’au moins trois ans comme association déclarée,
- la fourniture des comptes pendant cette période et un budget " proportionné à son but d’intérêt public " (au moins 46 000 €),
- l’adhésion d’au moins 200 membres,
- l’intervention sur un plan national (tout du moins, agir au-delà du cadre local),
- des statuts conformes au modèle approuvé par le Conseil d’État garantissant l'existence de règles de fonctionnement démocratique et de transparence financière, opposables aux membres.
Ce statut confère une légitimité particulière que ne procure pas la qualification fiscale d’intérêt général. Il implique aussi un certain nombre d'obligations à l'égard de la puissance publique qui dispose d'un pouvoir de tutelle et de contrôle (voir la réponse du ministère de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales du 15/07/2008 à la question n° 16885).
En savoir plus : Ministère de l'Intérieur.
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Utilité sociale
Malgré plusieurs tentatives faites par le passé pour définir l'utilité sociale et les réticences qu'elles ont suscitées, la loi ESS du 31 juillet 2014 donne une définition de l'utilité sociale. En outre, elle rénove l’agrément solidaire qui devient l'« agrément d’Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale » (ESUS) et qui permet aux associations agréées d’accéder notamment à l’épargne salariale solidaire. L’accès à cet agrément est réservé aux entreprises et structures de l’ESS dont l’activité présente un impact social significatif. L'objectif de la nouvelle loi est de donner plus de cohérence à cet agrément et créer un écosystème favorable pour attirer les investisseurs privés dans l’ESS.
Notre point de vue d'assureur
Se croire d’intérêt général et émettre des reçus fiscaux, alors que l’association ne répond pas aux critères des textes fiscaux, fait peser un risque financier important en cas de contrôle. Il vaut mieux, en cas de doute sur son régime fiscal, prendre conseil et envisager d’interroger l’administration fiscale.
Côté MAIF
- Le contrat d'assurance multirisque Raqvam Associations et Collectivités pour les associations accorde automatiquement aux dirigeants des associations une garantie " Responsabilité Civile " spécifique ; pour une protection pénale et corporelle encore plus étendue, la MAIF propose depuis janvier 2010 une garantie complémentaire " Protection renforcée des Dirigeants ".
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